Trompe l’œil, text Jeanne Brun, french and english translation, 2014

Nathalie Talec développe depuis les années 1980 une oeuvre multiple (photographies, vidéos, installations, peinture, dessins, performances) marquée par quelques motifs prégnants – le froid, le refuge, l’exploration polaire, l’expérimentation scientifique, mais tout autant la représentation scénique et l’exposition de soi – aussi éloignés en apparence que reliés profondément par une même logique de la mise en danger.
Il y a de tout cela dans cette dernière présentation. Il y a de sa fascination pour les environnements limite et le dépassement de soi, comme dans la fameuse série des Portraits stratégiques, de 1986 (Autoportrait avec paire de lunettes pour évaluation des distances en terre froide, Autoportrait avec détecteur d’aurores boréales), ou les plus récentes Peintures de détresse, de 2008. L’imagerie et l’imaginaire de la haute montagne et de l’ascension s’inscrivent nettement en fond de la série de collages comme des grandes huiles sur toile Heaven’s door. Mais il y a aussi un goût certain de l’aventure – sans grandiloquence épique, un regard vers l’inconnu – une recherche et une confrontation à ce qui peut être entrepris, aux voies qui peuvent être ouvertes. L’expérience nouvelle réside ici dans la superposition d’un registre formel familier à l’artiste, celui de la neige, de la blancheur, des grands froids, et de celui des arts décoratifs, qui poignait depuis quelques temps dans la collaboration avec la manufacture de Sèvres (voir notamment la série de vases Cry me a river), mais trouve là l’occasion de se révéler pleinement. C’est un nouvel espace qu’ouvre donc l’artiste, dont l’enjeu est moins sans doute un appel à la surcharge ornementale et au confort bourgeois, que la perturbation des équilibres, esthétiques et conceptuels, qu’elle avait atteints.
Une remise en jeu, un risque. L’oeuvre elle-même demeure, dans cette nouvelle incarnation, la métaphore vécue de l’art comme exploration, non du réel, mais de l’espace de la pensée. C’est à ce voyage que Nathalie Talec invite le spectateur, à ce chemin à rebours de l’apparence des images, au regard enfin retourné de celle qui voit les yeux fermés.

Jeanne Brun, Conservatrice, Musée d’Art Moderne de Saint-Étienne, mai 2014

English translation

Nathalie Talec has developed since the 80’ a profuse body of work (photography, videos, installations, paintings, drawings, performances) stamped with abrasive themes – cold, polar exploration, scientific experiments, stage representation and self expression – which seem distantly as well as deeply connected to the same logic of risk taking. All of this we find in her latest show mesmerized by extreme environments and self-transcending – as in her well-known 1986 Portraits Stratégiques (Self -portrait with a pair of glasses designed to mesure distances in cold land, Self-portrait with an aurora borealis detector), or recently: Peintures de détresse, 2008. The imagery and imaginary of reaching high mountains tops are predominantly represented in the set of collage as well as in the larger scale oil canvas Heaven’s Door. But there is also a strong taste for adventure – void of any epic grandiloquence, more a view into the unknown – research as well as confronting groundbreaking challenges. The latest challenge overlays the artist’s idiosyncratic form such as snow, whiteness, cold lands with decorative arts – a form much anticipated in the artist’s collaboration with the Sèvres manufacture (see the vase series Cry me a River) but which here seems to reveal itself. Thus the artist opens up a whole new horizon which redefines and disrupts the aesthetic and conceptual equilibrium reached until now. A risk taking logic. The body of work in this new phase becomes the living metaphor of art as a kind of exploration mapping out the mind as opposed to reality. Nathalie Talec invites the beholder to this specific journey taking us eyes wide shut beyond the simple apparence of images.
(Translated by Adrian O. Smith)